Et je pèse mes mots...·Ma vie Mon oeuvre

You’ll never work in this town again*


*vous ne trouverez plus de travail dans cette ville

La pensée du jour
Respecter l’autre, c’est le considérer en tant qu’être humain et reconnaître la souffrance qu’on lui inflige.
Marie-France Hirigoyen

L’humeur du jour
Double actualité mais fait unique à mes yeux. La fin de l’affaire Baupin, l’ouverture de l’affaire Weinstein. Qu’on n’oppose pas le nombre de victimes ou l’envergure des protagonistes : ces deux histoires n’en racontent qu’une : celle de personnes se servant de leur pouvoir, de leur position pour obtenir quelque chose d’autres personnes. Avec le risque pour ces dernières, en cas de refus, de représailles « you’ll never work in this town again ».

C’est Denis Baupin qui a eu de la chance… il ne sera jamais coupable des faits qui lui ont été reprochés grâce à la prescription, il aura même le toupet de porter plainte contre ses accusatrices. Il n’en demeure pas moins qu’une de ses victime, touchante Sandrine Rousseau, a décidé, via l’écriture et la création d’une association, Parler, de dire la nécessité de mettre des mots sur des actes pour (au-delà de toute portée thérapeutique) libérer la parole des victimes et peut-être, qui sait, empêcher un autre prédateur de poser ses mains sur des corps non consentants.

Dans un face à face télévisé malaisant au possible, Christine Angot, marquée par sa propre histoire a estimé et asséné à Sandrine Rousseau que pour la victime, c’est comme ça, «on se débrouille » et le montage donnait l’impression horrible qu’une femme reprochait à une autre femme d’avoir brisé le silence.
C’est d’ailleurs souvent cette question là qui finit par arriver « pourquoi n’avez-vous rien dit ? »

Dans l’affaire Weinstein, chaque jour apporte le nom d’actrices qui ont été victimes du comportement déviant du mogul. Certaines se sont pliées à ses exigences, d’autres se sont sauvées, mais toutes ont été victimes. Plus la liste s’allonge, plus la datation des faits s’affine, plus se murmure une incompréhension… tout ce temps ? pourquoi n’avoir rien dit ?
Entendez Sandrine Rousseau : elle a dit. Et rien ne s’est produit.
Ecoutez des actrices : elles ont dit – certes pas aux autorités – mais à des agents, des collègues… et non seulement rien ne s’est passé, mais certains  sourires traduisaient « mais tout le monde le sait ! ».
Rappelez-vous l’affaire DSK. Tout le monde connaissait ses appétits. Collègues politiciens et journalistes.
Et ? Et rien.
Jusqu’à la curée.

Ne nous méprenons pas.
En coupable expiatoire d’envergure, Weinstein va couler. Et ce naufrage entraînera un ou deux autres sales types avec lui mais en occultera beaucoup d’autres.
Weinstein va payer. Perdre tout son pouvoir (et probablement, USA oblige, une bonne partie de sa fortune). Peut-être même qu’un amendement ou qu’une Loi portera son triste nom. Ou que des clauses morales encore plus strictes seront rédigées…
Mais ça n’empêchera pas ici ou là un autre « puissant » d’utiliser sa force, son argent ou sa position pour obtenir quelque chose. En toute impunité.

Pourquoi ces affaires me touchent ?
D’abord en tant que femme.
J’ai été victime d’un acupuncteur dérapant. Il m’a fallu 5 minutes pour me sauver de son cabinet, 15 pour appeler sa messagerie et annuler tous mes autres rendez-vous et 30 pour prévenir la thérapeute qui m’avait dirigée vers lui. « Je pensais qu’il préférait les blondes et que tu ne risquais rien » fut sa réponse choquante.
Il m’a fallu un an pour en parler et regretter de ne pas avoir eu le courage de le dénoncer. Je me suis contentée de prévenir les gens autour de moi, espérant que la taille de la ville permettrait à mon info d’épargner des filles.
J’ai encore honte de ma couardise d’alors, quand je n’avais pourtant rien à perdre à dénoncer ce type. Alors que trop souvent, dans les histoires de harcèlement, notamment dans le cadre du travail, la victime a tout à  perdre sans même que le harceleur ne soit démis de ses fonctions.

Mais surtout en tant qu’être humain.
Et là non seulement ça me parle, mais plus précisément, ça me HURLE.
J’ai été harcelée moralement dans le cadre professionnel. L’enjeu n’était pas sexuel – j’en suis presque arrivée à le regretter, c’eut été plus simple –  mais de me pousser à la démission (ha, les délices de la rentabilité).
J’ai tout essayé.
Toutes les instances imaginables, dans un contexte de Code du Travail XXL Anticipé (c’est-à-dire « nous avons nos propres règles du jeu ») – du médecin agréé au Défenseur des Droits.
La réponse du premier « on sait… prenez des anti-dépresseurs et cela ne vous touchera plus ».
La réponse du second « il n’y pas pas de discrimination raciale ou sexuelle, on ne peut rien pour vous ».
La réponse des autres : Accusé réception. Silence.

Alors les articles, émissions et autres Unes rendues possible du fait du nom vendeur des agresseurs ou des victimes me font sourire jaune. Le harcèlement est protéiforme. C’est avant tout une histoire d’abus de pouvoir. C’est tous les jours, c’est violent même quand ça n’est pas à base de bites et de seins. Pour moi, le harcèlement se divise en deux groupes. Celui qui peut être dénoncé et celui qu’on n’a pas les moyens de dénoncer, sous peine de tout perdre.
Ce ne sont pas les familles des suicidés France Télécom qui diront le contraire.

Le cadeau du jour
copyright Vainui de Castelbajac « au taf »

2 réflexions au sujet de « You’ll never work in this town again* »

  1. j’ai lu que Weinstein était en perte de vitesse depuis quelques temps… et que ce serait pour ça que certaines auraient enfin oser parler, médiatiser.
    J’ai été écoeurée quand je l’ai vu dire aux cameras qu’il allait se faire soigner. Sa guérison va être toute faite: perte de pouvoir.
    J’ai été écoeurée d’entendre je ne sais plus qui dire « mais elles n’avaient qu’à dénoncer »… facile à dire. connard.

    1. continuons… moi, je suis écoeurée par des fausses offuscations, par la façon moderne dont une partie du débat va être gérée (à coups de # ou de deux trois émissions mi putasssières mi informatives). Tiens, on peut même parier sur le ruban ou le tee shirt adéquat  » #balancetonporc  »
      dans harcèlement sexuel, il y a sexe. Donc potentiellement viol(ence) . Il faut traiter TOUS les harcèlements de la même façon. En ne punissant pas les victimes.
      Alors elles pourront parler

Chic ! Un message :)

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