Et je pèse mes mots...

Alors on panse…


La pensée du jour
J’ai peur pour ma marraine, parce qu’elle va à Paris et je veux pas qu’elle meure parce que j’aime ma marraine.
Ma filleule, Lili (6ans) à son maître

L’humeur du jour
Paris est fantomatique.
C’est flagrant dans les zones touristiques.
Personne hier en fin d’après-midi – je dis bien PERSONNE – gare du nord près des guichets de vente RATP. Là où d’habitude il faut batailler pour circuler entre deux valises ou des groupes de touristes.
J’ai cru que la zone avait été évacuée, mais non. C’était simplement vide.
Ma rame Ligne 4 résonne des conversations « et s’ils attaquaient des écoles ? des centres commerciaux ? puis dans le métro c’est facile ».
L’inquiétude et le mélange de fatigue et tristesse se lit sur beaucoup de visages.
Chacun connait quelqu’un qui connait quelqu’un… Le lieu était bien choisi…

Tous mes chercheurs étrangers ont annulé leur venue à Paris.
Tous.
Soit sur instruction de leurs CHU, soit de leur propre chef « après discussion avec la famille ».
Comment leur en vouloir quand nos médias font du remplissage anxiogène à base d’experts, de certitudes, de rabâchage, de rumeurs non vérifiées et que ce mélange-là, avec la réalité du siège à Saint Denis et des attentats qui continuent à Bamako ou à Beyrut, amplifiés par les réseaux sociaux finit par inquiéter nos provinciaux qui associent Paris à « ville symbole à éviter pour le moment ».
Alors même nos donateurs éloignés appellent et nous expliquent leurs hésitations…

Je détricote 10 longs mois de travail avec une consolation ironique : s’il m’était arrivé quelque chose les 4 rendez-vous de la Fondation auraient été annulés et non 2.

J’ai vécu 2 ans à Karachi. J’y suis arrivée sachant où je mettais les pieds. Il n’y avait pas tellement de surprise aux nouvelles des attaques contre du personnel consulaire, des explosions ou de la présence de soldats tous les 5 mètres. Curieusement, alors que j’étais une cible potentielle (rien ne distingue le blanc français du blanc américain), je ne rappelle pas avoir eu peur.
On a appris les règles du jeu et on s’est adapté.
C’est peut-être la sensation que cette fois, ici, il n’y a pas de règles qui rend notre adaptation difficile…

COP21 ou pas, la voiture ressort des garages et plombe le périph.
Il va en falloir du temps.
Il en va falloir des rendez-vous symboliques, des marches blanches et des reportages bravaches (je suis tombée sur deux équipes qui filmaient en terrasse à 7h00 du mat rue de Buci, des « clients » là où depuis 15 ans je ne croise que les garçons de café en train de faire la mise en place des tables) – avant un retour à un semblant de normalité.

C’est ça le plus dur pour moi.
Garder les mêmes habitudes quand plus rien dans le monde où on vit ne me semble habituel.

Alors on parle.
On se dit nos inquiétudes entre inconnus, on rit nerveusement quand la rame s’arrête brusquement, on échange un regard inquiet quand quelqu’un monte avec un sac « louche », on essaie de repérer les patibulaires-mais-presque
Et puis on cherche un exutoire : l’écriture, le chant, le rassemblement, la dépose de fleurs, la plongée dans les portraits des victimes pour mieux leur rendre hommage, on s’associe au chagrin des survivants comme s’ils étaient de notre famille, on pleure un peu, on allume des bougies, on cherche le geste salvateur,
on se motive, on voudrait dire  « alors on danse » mais surtout on pense
et puis on panse…

Le cadeau du jour
Fluctuat nec mergitur

Tour Eiffel bleu blanc rouge

16 réflexions au sujet de « Alors on panse… »

  1. La réunion du 4 décembre est annulée ?
    tout ce travail presque pour rien !

    On ne peut pas en vouloir à ceux qui annulent …
    les médias et divers intervenants sont là pour amplifier les craintes légitimes et font le jeu des terroristes …
    Nous ne connaissons pas la logique de ces attentats dans le choix des cibles. en ont ils une ?
    Dans mon coin d’Ariège il y a peu de discussion, que du « brodage » sur les infos TV .
    Ce qui me manque, c’est de pouvoir parler, échanger, donner ce que j’ai comme éléments, recevoir ceux que j’ignore, débattre pour arriver à comprendre, POURQUOI on en est arrivés là et que faire pour stopper et inverser le mouvement de façon DÉFINITIVE.

    Bon courage Pooky.

  2. Comme d’habitude, ton billet est « juste », tu décris bien ce que tout le monde ressent, la peur…….. et je pense très fort à vous qui prenez les transports et êtes dans Paris tous les jours. Quand cette horreur finira t’elle ?

  3. Vos rendez vous ne seront peut être que repoussés, c’est du moins ce que je vous souhaite. Je crois qu’il y aura nécessairement un temps d’adaptation. Article très juste, la parole est indispensable et le partage aussi dans ces moments là.

  4. C’est beau cette tour aux couleurs de notre drapeau. Elle devrait rester ainsi longtemps encore.

    Pour le 4 et tout le travail fourni pour son organisation, c’est vraiment dommage.

    Courage

    1. tu sais, j’en veux pas à ceux qui annulent. j’en veux à ceux qui ne répondent JAMAIS aux RSVP et qui se pointent. cette fois ci, étant donné la conjoncture je ne peux pas anticiper (habitude je sais évaluer les « oui je viens » qui font faux bond et les autres).. et de plus il me FAUT la liste des participants.
      la légèreté, le manque d’appréciation me déçoit

  5. J’aime ton billet, plein de justesse, comme d’habitude, triste pour cette réunion mais je n’ai pas les mêmes impressions…
    Je prends le métro (y compris la ligne 4) je vis, comme d’habitude, et je ne vois rien de changé et aucun signe de peur…
    Bizarre, question de perception ? Va savoir…

    1. Ha pour le nombre de touristes en moins dans on quartier, ca n est pas une perception. Non plus que les magasins vides. J ai les travailleurs et les résidents. Pas les touristes. Et si tu tends l oreille, les conversations tournent autour de ca

      1. ça doit dépendre des quartiers, si d habitude tu as des touristes, clairement là, tu ne les a pas. beaucoup de mes prestataires « fêtes » ont eu des annulations de soirées, de traiteurs, tout ça…

  6. Et les collègues de bureau branchés toute la journée sur les infos en continu, qui commentent des infos non vérifiées, qui échaffaudent des théories saugrenues…

  7. Wahouuuuuuuuu… tellement juste.
    J’étais à Saint Denis la semaine passée… oui, quelque chose a changé dans notre pays… nos regards sont devenus pesants, soupçonneux, notre insouciance n’est plus… elle s’en est allée avec Eux…
    Je suis expat à Bruxelles et curieusement… c’est pire ici. C’est l’état de siège. Militaires, policiers, véhicules blindés partout, fermeture des magasins, lieux publics, écoles, etc… Etrange. Surtout qu’avant samedi matin, certains Belges nous trouvaient… un brin parano ! Si si…

Chic ! Un message :)

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