Love me? Love my Cats

Le lien, essentiel


La pensée du jour
L’essentiel est sans cesse menacé par l’insignifiant.
René Char

L’humeur du moment
Il y a quelques temps, ma Zibou a dû se faire opérer pour la seconde fois d’une tumeur sournoise. Elle a 18 ans et demi et naturellement j’étais inquiète de l’opération mais aussi de « l’après », de tout ce qui l’entoure.
Son Dr Cat, sans me cacher les risques inhérents à toute intervention a mis toutes les chances de son côté. Il a choisi le jour en fonction de la présence d’une infirmière avec laquelle il opère en osmose depuis des années, procédé à une pré-anesthésie, m’a permis d’assister au réveil pour que Zib me voit et reste calme, puis a effectué des visites de contrôle post-op fréquentes et « gracieuses ». Il en a même profité pour lui faire une patticure et des examens complets, vu son âge.

Il a essayé de penser à tout. De tout envisager.
C’est un véto. Zibou n’est « qu’un chat ».
Pourquoi je vous raconte ça ?

Hier, au bureau, j’ai eu la visite des parents d’une petite malade de 13 ans, Audrey.

Audrey souffre d’une maladie de la colonne depuis son plus jeune âge. Je n’entrerai évidemment pas dans les détails. Ses parents, comme beaucoup d’autres parents ont trouvé mon numéro. Cela ne fait – en théorie – pas partie de « nos » missions, mais il m’est difficile, impossible même, de ne pas écouter l’inquiétude ou la souffrance quand quelqu’un parvient à l’exprimer.


Donc, Audrey…
Opérée jeunette dans son pays natal, frontalier.
Mais devant être réopérée ensuite et là, ses parents décident de mettre toutes les chances de son côté.

Là où mon véto décide tout de A à Z, le chir’ fait « au mieux » dans un système hospitalier désormais « administratif »- Dieu que je conchie ce mot et ce qu’il sous-entend.
À une semaine de l’opération, Audrey est redirigée vers un autre centre, moins spécialisé mais dont l’unité de réa n’a pas, elle, été « dissoute » .

Les petits manquements s’enchaînent : de lien, de communication, de connaissance des effets « collatéraux » des soins.

Les non-ajustements, le manque de personnel, le non rodage face à un un cas précis et pointu.

Des allers/retours entre 3 hôpitaux dans des ambulances insuffisamment équipées. Des infirmières adorables ici, détestables là (non, la fatigue n’excuse pas tout ce que les parents ont entendu ou que la petite a enduré, non…), des soignants insuffisamment formés pour les enfants – selon leurs propres dire – ici, une misère hospitalière violente là…

Et la mort d’Audrey par « la faute à pas de chance ».

L’opération s’est bien passée.

L’infection nosocomiale, cette fourberie juridique est bien passée elle aussi. Trop bien.

Si c’est difficile de parler à un parent qui pleure d’inquiétude parce que son enfant doit subir une lourde intervention, si c’est parfois miraculeux de trouver les mots qui réconfortent et encouragent sans être directifs,

si c’est évident que la première chose que le parent a besoin d’entendre est qu’il n’est en rien fautif ou responsable de la santé de son petit (combien de fois ai-je entendu « c’est de ma faute s’il a cette déformation – non, non non !),

c’est simplement impossible de trouver le mot juste pour réconforter celui qui a perdu son enfant par absurdité.

Une succession de petites choses « simplement déplaisantes » individualisées mais lourdes de conséquences quand mises bout à bout, dans un enchaînement à l’issue dramatique.

Comment accepter cela? Les parents d’Audrey sont dignes. Ils ne sont pas venus chercher des armes pour « attaquer » mais pour analyser le « pourquoi » et essayer de faire en sorte que cela ne se reproduise plus.
Qu’on apprenne des erreurs commises.
Comme je les comprends et comme j’aimerais que ce soit possible.
Mais comme je suis pourtant pessimiste…

J’ai beaucoup de mal avec ce qui finalement est symptomatique de notre époque :

Disparition de colis au centre postal, aberrations au Pôle Emploi, aux Assédics ou à la sécu, manque de communication à la SNCF entre deux personnes dont les bureaux sont contigus « mais pas du même service », tout cela n’aboutit qu’à une chose : personne n’est jamais responsable. Alors on ne peut rien corriger.
Tout est scindé là où ça pourrait devrait être fluide parce que c’est au service de l’humain. Même quand l’issue n’est pas vitale.

On gagnerait à intégrer une bonne fois pour toute que nous sommes tous liés, d’une façon ou d’une autre,
et qu’une des pires régressions sociétales est un cloisonnement systématique dans une tentative peut-être économiquement justifiable mais de façon certaine préjudiciable à l’humain.

Le cadeau du jour
« Racontez-moi
Quel est ce lien qui me tient vivant dans ce monde
Rassurez-moi
Si les douleurs nous rendaient meilleurs ? »
Le lien – Grégory Lemarchal

main-dans-la-main-on-tombe-moins
la sagesse de la rue…

9 réflexions au sujet de « Le lien, essentiel »

  1. Je ne pourrais qu’être d’accord avec toi ! Tout est vrai malheureusement. Cela doit être si dur pour les parents de cette jeune fille, c’est triste même.

  2. Mon père est mort d’un de ces enchaînements d’irresponsabilité. Quand j’ai voulu comprendre, la grande Professeure qui dirigeait le service, m’a répondu:
    vous savez je ne vais pas bien, je suis en train de divorcer, je suis désolée pour votre père mais, ces derniers temps, je n’avais pas la tête à mon travail.
    Pour moi l’erreur de l’infirmière qui a coûté la vie à mon père reposait avant tout sur l’absence d’une simple procédure qui aurait du être en place depuis longtemps.J’ai voulu bouger, pour éviter que cela se reproduise et ma mère a refusé catégoriquement, de peur des ennuis.
    Aujourd’hui je pense que les soignants sont des êtres, le plus souvent sérieux et compassionnels, mais les systèmes mis en place par les financiers, dont l’aveuglement est la principale tare, ces systèmes sont à la base de ces dysfonctionnements, dont la déresponsabilisation est l’un des plus monstrueux avatars.
    Où allons nous? Je ne sais pas mais nous y allons!
    Mon coeur pleure pour Audrey et ses parents.
    Philippe

  3. Il s’agit la de la tragique histoire de ma si belle petite nièce Audrey, comment certaines personnes peuvent-elles dormir l’esprit tranquille rien n’est moins sûre.

    Petite Audrey nous avons eu la chance de parcourir un court instant de ta si petite vie, quel bonheur de t’avoir connue, mais qu’il est dur de t’avoir perdue.
    Audrey tu seras toujours dans nos cœurs, on pense a toi tout les jours et surtout à Noël puisque tu t’en es allée le 22 décembre 2009 à la veille de tes 13 ans.
    Audrey on t’aime….

    1. Je n’ai vu que quelques photos, mais ce sourire et ce regard tendre et confiant…
      Quel gâchis, n’est-ce pas…

      Nous vivons une époque où technologiquement, tout est « mieux » qu’avant
      Mais ce devrait être au service de l’humain et pas en remplacement. Tout n’est pas rentabilisable, non. Et surtout pas la vie.
      Plus de personnel soignant, plus d’humain pour l’humain.
      Espérons que ce qui s est passé pour votre petite Audrey serve d’exemple de ce qu’il ne faut plus faire.

  4. « On gagnerait à intégrer une bonne fois pour toute que nous sommes tous liés, d’une façon ou d’une autre »… Si encore les gens pourraient comprendre…
    Bien triste pour les parents de cette petite fille et merci à toi, même si tu n’y peux rien, les écouter avec compassion, c’est beaucoup.
    Merci, Pooky pour ce merveilleux billet

  5. Je me demande où va notre système de soin qui pourtant fait des miracles et sauve des vies parfois
    J’ai fais les frais d’une coordinatrice complètement a côté de la plaque qui ma très mal renseignée lors d’une demande de don de cellules de moelle osseuse .Grave faute selon mon propre médecin
    ça m’a mise très en colère parce que ça a eu des incidence dans ma vie de famille (et qui sait ça aurait pu aussi avoir des incidences sur ma santé et celle de mon frère)
    Mais lorsque je lis cette histoire .Je me dit que c’est bien plus grave et vraiment insupportable de perdre une enfants dans ces conditions déplorables
    J’admire leur dignité , mais j’espère que leur expérience pourra servir a ce que cela ne se reproduise plus jamais ….
    merci pooky pour ce billet qui démontre que l’on continue a voir des erreurs trop graves pour des vies humaines

Chic ! Un message :)

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